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Alphonse Eléonor SAGEBIEN (1807-1892)

Biographie

Alphonse Eléonor SAGEBIEN

Alphonse SAGEBIEN

Portrait de Sagebien exposé à l'usine élévatoire de Trilbardou
cliché AFLO

Alphonse Eléonor SAGEBIEN naît le 2 février 1807 à Wavans-sur-l’Authie, dans le Pas de Calais (-1-)En 1974, Wavans-sur-l'Authie est réunie à la commune de Beauvoir-Rivière pour former Beauvoir-Wavans.. Il décède à Boufflers (Somme) le 1er octobre 1892. Il est le fils de Léonor SAGEBIEN et de Rosalie CLÉRET. Son père exploite une usine hydraulique combinant plusieurs activités, comme souvent à cette époque : meunerie, papeterie, huilerie.

Très jeune, il projette d’aller faire des études pratiques à l’école de Chalons, quand il apprend la fondation récente de l’école centrale des arts et manufactures. Il fait partie de la deuxième promotion (1831) de cette école. Bien qu’il ne figure pas dans l’annuaire des anciens élèves en qualité d’ingénieur, il est fait état, dans de nombreux documents de l’époque, de sa qualité de centralien, ou d’ancien élève ou même d’ingénieur. Il est admis le 18 août 1830 et son nom figure sur les relevés des élèves des années scolaires 1830-1831, 1831-1832, 1832-1833. Il semblerait que des raisons financières soient à l’origine de la demande d’Alphonse SAGEBIEN de n’être inscrit qu’en tant qu’étudiant libre, ce qui selon le règlement de cette école ne lui permettra pas d’obtenir le diplôme (-2-)Jean-François BELHOSTE, "Centralien malgré tout, Alphonse SAGEBIEN 1807-1892, Centraliens n° 576, février-mars 2007..

à sa sortie de Centrale, il s’occupe des études du chemin de fer de Paris à Saint-Germain, et des trains propulsés grâce à la machine pneumatique. Puis, de 1836 à 1840, il effectue des prospections minières de fer et de charbon pour la société Pinart Frères dans le Boulonnais. C’est à lui que l’on doit la découverte de la quasi-totalité des couches de minerais exploitées dans le Pas-de-Calais à la fin du XIXe siècle.

En 1840, il se voit confier la direction de l’usine sidérurgique de Marquise, dans le Boulonnais, établissement qui compte plus de deux mille ouvriers. Il va notamment y perfectionner les prises de gaz des hauts-fourneaux et mettre au point la récupération de chaleur perdue pour le chauffage de l’air des machines soufflantes.

En 1846, il passe aux fonderies de Pocé (Indre-et-Loire), où il a, entre autres, à construire un nouveau haut-fourneau.

Obligé de quitter Pocé dès 1848, il s’établit comme ingénieur civil indépendant au moulin de Caux (Somme), propriété de son épouse. Les raisons de cette décision sont mal connues. On notera cependant qu’à cette époque naissent en France, sur le modèle anglais, l’ingénierie et la profession d’ingénieur conseil.

à la suite des travaux de PONCELET (-3-)Jean Victor PONCELET : 1788-1867. Général et Ingénieur, directeur de l'école Polytechnique, il invente la roue éponyme à aubes courbes (rendement 0,60), sans dépôt de brevet. en 1824 et de FOURNEYRON (-4-)Benoît FOURNEYRON : 1802-1867. Il invente la turbine à pression universelle en 1832 et la conduite forcée. en 1832, dont la turbine sera améliorée par FONTAINE, qui déposera son propre brevet en 1840, il s’intéresse aux moteurs hydrauliques. Il va, à partir de 1848, commercialiser une roue hydraulique, dite roue SAGEBIEN qu’il imagine vers 1845, et dont il présente le dessin à l’exposition de 1855. Il dépose le brevet en 1858. SAGEBIEN réalise l’étude préalable et confie l’exécution des travaux à des charpentiers et à des mécaniciens, le plus souvent locaux ou de la région amiénoise. Par exemple, les machines de l’usine de Trilbardou sont construites par DELAHAYE, SIBUT et Cie, à Amiens.

On conçoit mal, de nos jours, le rôle considérable joué par les machines hydrauliques. La force hydraulique joue en France, dans cette première moitié du XIXe siècle, un rôle plus important que la machine à vapeur, pourtant considérée comme emblématique de la révolution industrielle. Grâce en particulier aux travaux de Gaspard CORIOLIS (1792-1843), qui enseigne la mécanique à Centrale, la théorie des machines est formalisée. Des physiciens énoncent les lois de la conservation de l’énergie.

Dans sa machine, Alphonse SAGEBIEN met en œuvre deux principes :

Pour ces raisons, il construit une roue de côté, ayant des aubes très profondes et inclinées dans le sens de la rotation. Il obtient ainsi une machine ayant un excellent rendement, de l’ordre de 80 à 90%, et l’avantage de fonctionner avec un débit variable.

Sa première roue est installée vers 1850 au moulin à blé de Monsieur QUESTE à Ronquerolles (Oise).

En 1851, il publie un brevet sous le titre "Roue hydraulique, dite roue à siphon, prenant son eau sans dénivellement" — INPI cote 1BB12819 (–5–)Notice du brevet dans la base INPI des brevets du 19e.. Ce brevet fera l'objet d'un additif en 1855 — INPI - 1BB12819(1) (–6–)Notice du brevet dans la base INPI des brevets du 19e..

Une notice publiée par Charles LEBLANC (-7-)Charles LEBLANC, ingénieur des Ponts et chaussées, 1819-1881. en 1859 dans les Annales des ponts et chaussées (-8-)Charles LEBLANC, « Mémoire sur la roue-vanne, inventée et exécutée par M. Sagebien » Annales des ponts et chaussées, 3e série, vol. 1, t. 15, juin 1858, pages 129 à 170, bibliothèque de l’école nationale des ponts et chaussées (ENPC). En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408489d/f132 rend compte d’essais qu’il a effectués en juin 1854 sur la grande roue de la filature d’Yvré-l’Evêque (Sarthe).
LEBLANC calcule une puissance de 62,91 chevaux, pour une puissance annoncée par SAGEBIEN de 60 chevaux sous une chute d’eau de 1 m.

En 1860, il se voit confier par Eugène BELGRAND, alors chargé du développement de l’approvisionnement en eau de la ville de Paris, l’équipement de plusieurs usines, notamment l’usine élévatoire de Trilbardou (Seine-et-Marne).

Dans un rapport publié en avril 1870 par le bulletin de la  Société d’encouragement pour l’industrie nationale (-9-)Bibliothéque du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)., et repris dans les Annales des ponts et chaussées de juin 1870 (-10-)Henri Édouard TRESCA, « Roue hydraulique de M. SAGEBIEN », Annales des ponts et chaussées, 4e série, vol. 1, t. 19, juin 1870, pages 595 à 603, bibliothèque de l'ENPC. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4085131/f596, — à lire ci-dessous — TRESCA (-11-)Henri Édouard TRESCA (1814-1885) est un ingénieur mécanicien français, professeur au CNAM. rend compte d’essais et mesures de rendement effectués sur 14 roues de SAGEBIEN par l'Inspecteur général MICHAL. On peut notamment y lire :
7 roues ont remplacé des turbines avec avantage très marqué dans le produit de ces usines. Chez M. FESNÉ, on a remarqué le même avantage par rapport à la roue PONCELET que la nouvelle installation remplaçait ; il a été de même à Brunoy par rapport à une roue de côté. Le choix, fait par M. FONTAINE, de la roue SAGEBIEN, pour ses moulins de Chartres et Dreux, démontre que cet habile constructeur n’aurait pas espéré le même résultat en employant ses turbines. A Villers-Saint-Pol et à Pont l’Évêque, les roues continuent à marcher dans les hautes eaux, alors que les usines voisines sont arrêtées par les remous de l’Oise. (…) à l’inverse, une roue de 10 mètres établie plus récemment pour la filature de M. MULENDORF près de Verviers (Belgique) utilise une chute de 4,20 m, elle y remplace deux turbines disposées pour fabriquer alternativement pendant les plus grands et les plus faibles débits.

Liste des 63 roues Sagebien les plus importantes.

Liste des 63 roues de Sagebien les plus importantes en 1870

Bulletin de la Société d'encouragement pour l'industrie nationale
cliché AFLO


Implantation des 63 roues Sagebien les plus importantes en 1870, d'après Tresca.

Implantation des 63 roues de Sagebien les plus importantes

infographie AFLO

Ce sont au total plus de 300 roues, représentant une puissance totale de plus de 3000 chevaux, qui sont installées, la plupart entre 1855 et 1870, dans des moulins, des filatures, des papeteries, des usines hydrauliques servant à élever l’eau des villes, etc. Les 63 plus importantes citées par le rapport représentent à elles seules une puissance installée de plus de 2500 chevaux.

TRESCA conclut que les roues de SAGEBIEN sont particulièrement adaptées aux faibles chutes et que le rendement s’établit au dessus de 80%, même si les niveaux d’eau varient.

TRESCA fait aussi remarquer que M. FONTAINE, lui même fabricant de turbines et propriétaire de moulins, a choisi la roue SAGEBIEN pour ses moulins de Chartres et de Dreux.

L'article de TRESCA fait l’objet d’un rectificatif de l’inspecteur général MICHAL dans un des numéros suivants de la revue (-12-)MICHAL, « Roue SAGEBIEN », Annales des ponts et chaussées, 4e série, vol. 2, t. 20, 1870, pages 229 à 230, bibliothèque de l’ENPC. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408514d/f232. MICHAL, qui a réalisé les essais sur la roue de Trilbardou minore un peu les chiffres de TRESCA, mais reconnait l’excellent rendement de celle-ci.

SAGEBIEN écrit en 1883 pour l’obtention de sa Légion d’honneur :(-13-)Lettre d'Alphonse SAGEBIEN datée du 26/7/1883. Archives nationales - L243/2013 Légion d'honneur.
En 1866 à Trilbardou près de Meaux, ayant eu à établir pour le compte de la ville de Paris, sous la Direction de l’éminent Inspecteur Général des Ponts et Chaussées Mr Belgrand une grande machine roue et pompes, je parvins ainsi à élever 35 000 mètres cubes d’eau par jour de la Marne dans le canal de l’Ourcq (400 litres par seconde) moitié plus que l’on avait espéré obtenir.
Ce succès m’a valu d’avoir la préférence pour l’entreprise des élévations des sources basses de la vallée de la Vanne, qui fonctionnent depuis six ans d’une manière satisfaisante pour l’alimentation d’eau potable de la ville de Paris, tellement que près d’un tiers des eaux qui arrivent aujourd’hui au bassin de Montsouris proviennent des machines que j’ai établies à Chigny et à Malay le Roy (Yonne).

Cette année là, en 1883, il installe deux grandes machines élévatoires pour la ville du Mans (Sarthe).

SAGEBIEN a reçu de nombreuses récompenses et décorations :

En 1865, il reçoit la Grande médaille d’argent lors de l’exposition régionale industrielle de Rouen ; en 1867, la médaille d’argent de l’Exposition universelle ; en 1870, la médaille d’or de la Société d’encouragement de l'Industrie Nationale (-14-)Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, 1870. 69e année. 2e série, tome 17.
Lors d’une exposition à Vienne, il reçoit la médaille du Mérite (suite à l’exposition de plans et spécimens des machines élévatoires de Trilbardou).
Au retour de cette exposition, il reçoit la médaille du ministère du Commerce et de l’agriculture pour le concours apporté dans l’établissement des eaux d’alimentation de la ville de Paris.
Le 27 décembre 1875, il obtient le prix de l’académie des Sciences.
En 1876, le prix Fourneyron lui est décerné.(-15-)Louis FIGUIER, L'année scientifique, 1876. 20 année, 1877.
En 1878, lors de l’exposition universelle, il reçoit une médaille d’or.
Le 10 juillet 1883, il est fait chevalier de la Légion d’honneur.

Rapport de M. TRESCA

Dans les Annales des Ponts et Chaussées de juin 1870, on trouve page 595, un rapport de TRESCA à la Société d’encouragement pour l’industrie nationale, très complet, qui donne des indications sur le fonctionnement des roues de SAGEBIEN, des mesures de rendement ainsi qu’une liste des roues construites par SAGEBIEN.

Henri édouard TRESCA, « Roue hydraulique de M. SAGEBIEN », Annales des ponts et chaussées,
4e série, vol. 1, t. 19, juin 1870, pages 595 à 603, bibliothèque de l'ENPC.
En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4085131/f596

Cette publication fait l'objet d'une lettre de l'Inspecteur général MICHAL, qui a effectué les mesures de la roue de Trilbardou. Elle est reproduite en août 1870 dans la revue  Annales des ponts et chaussées, 4e série, vol. 4, t. 20, 1870, pages 229-230.

Les remarques concernent le niveau de la Marne, supérieur à la normale, la vitesse de la roue, légèrement supérieure à la vitesse nominale, et la position du manomètre.

Il en déduit que le rendement, inférieur de 7 à 8% aux indications données par le manomètre, serait de 63 à 64%, ce qui est selon lui très favorable. 


Notes :

– 1 – En 1974, Wavans-sur-l'Authie est réunie à la commune de Beauvoir-Rivière pour former Beauvoir-Wavans. -retour-

– 2 – Jean-François Belhoste, "Centralien malgré tout, Alphonse SAGEBIEN 1807-1892", Centraliens n° 576, février-mars 2007. -retour-

– 3 – Jean Victor PONCELET : 1788-1867. Général et Ingénieur, directeur de l'école Polytechnique, il invente la roue éponyme à aubes courbes (rendement 0,60), sans dépôt de brevet. -retour-

– 4 – Benoît FOURNEYRON : 1802-1867. Il invente la turbine à pression universelle en 1832 et la conduite forcée. -retour-

– 5 – L'original peut être visualisé sur le site INPI - Base brevets 19e http://bases-brevets19e.inpi.fr

Cote du dossier 1BB12819
Type de brevet Brevet d'invention de 15 ans
Titre roue hydraulique, dite roue à siphon, prenant son eau sans dénivellement
Nombre d'additions 1 addition
Année de dépôt 1851
Déposant SAGEBIEN Alphonse
Adresse du déposant Caux (Somme)
Profession du déposant mécanicien
Numéro de dépôt 12819
Date de dépôt 29.12.1851
Date de délivrance 24.01.1852
Mot clé moderne ROUE, TURBINE ET MOTEUR HYDRAULIQUE
Mot clé historique HYDRAULIQUE
Classe 05.8

-retour-

– 6 –L'original peut être visualisé sur le site INPI - Base brevets 19e http://bases-brevets19e.inpi.fr

Cote du dossier 1BB12819(1)
Type de brevet Certificat d'addition
Titre roue hydraulique, dite roue à siphon, prenant son eau sans dénivellement
Nombre d'additions 1 addition
Année de dépôt 1855
Déposant SAGEBIEN Alphonse
Observations
Adresse du déposant Caux (Somme)
Profession du déposant mécanicien
Mandataire
Adresse du mandataire
Profession du mandataire
Numéro de dépôt 12819
Date de dépôt 06.01.1855
Mot clé moderne ROUE, TURBINE ET MOTEUR HYDRAULIQUE
Mot clé historique HYDRAULIQUE
Classe 05.8

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– 7 – Charles LEBLANC, ingénieur des Ponts et chaussées, 1819-1881. -retour-

– 8 – Charles LEBLANC, « Mémoire sur la roue-vanne, inventée et exécutée par M. Sagebien » Annales des ponts et chaussées, 3e série, vol. 1, t. 15, juin 1858, pages 129 à 170, bibliothèque de l’école nationale des ponts et chaussées (ENPC). En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408489d/f132 -retour-

– 9 – Bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers (CNAM). -retour-

– 10 – Henri édouard TRESCA, « Roue hydraulique de M. Sagebien »,  Annales des ponts et chaussées, 4e série, vol. 1, t. 19,  juin 1870, pages 595 à 603,  bibliothèque de l’ENPC. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k4085131/f596 -retour-

– 11 – Henri édouard TRESCA (1814-1885) est un ingénieur mécanicien français, professeur au CNAM. -retour-

– 12 – MICHAL, « Roue SAGEBIEN »,  Annales des ponts et chaussées, 4e série, vol. 2, t. 20, 1870, pages 229 à 230,  bibliothèque de l’ENPC. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k408514d/f232 -retour-

– 13 – Lettre d'Alphonse SAGEBIEN, datée du 26/7/1883. Archives nationales, L 243/2013 Légion d'honneur. -retour-

– 14 – Bulletin de la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale, 1870. 69e année. 2e série, tome 17, en ligne : http://cnum.cnam.fr/CGI/fpage.cgi?BSPI.69/93/100/725/65/725
-retour-

– 15 – Louis FIGUIER, L'année scientifique, 1876. 20e année, 1877, page 474. En ligne : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k201105v -retour-